Le bâtard qui voit le jour dans le quartier le plus nauséabond de Paris
s'appellera Grenouille, étrange nom guttural dont Gaillard (sa nourrice)
et Grimal (le tanneur qui l'emploie à des tâches répugnantes) se font
les échos, comme si la marginalité appelait forcément la marginalité.
C'est donc dans la fange parisienne du XVIIIe que Grenouille, né sans
parents ni amour, sans racines ni odeur, mène une vie de nomadisme
olfactif, volant les odeurs, les imaginant, les recréant pour les
infuser au monde entier. Sans distinction hiérarchique, il se pénètre de
la moindre senteur, tout d'abord frénétiquement, puis avec méthode,
pour finalement se livrer à un projet démiurgique et vampirique. Dans ce
voyage jusqu'aux confins de l'imagination à la fois poétique et
morbide, Süskind nous entraîne sans repos à la suite de son héros
monstrueux, véritable buvard des essences dont l'ultime expérience revêt
presque un caractère généreux et mystique